Pendant longtemps, les scientifiques ont cru qu’aucun nouveau neurone ne pouvait naître dans le cerveau adulte, signifiant que lorsque nos cellules cérébrales existantes meurent ou sont endommagées, elles ne seraient pas remplacées. Cependant, il a été découvert que la neurogenèse – c’est-à-dire la création de nouveaux neurones – se produisait en fait dans l’hippocampe, une région du cerveau associée à la mémoire. Malheureusement, le taux de neurogenèse n’est pas toujours suffisant pour remplacer tous nos neurones endommagés à mesure que nous vieillissons, ce qui explique pourquoi de nombreuses personnes souffrent de démence et de déficiences cognitives liées à l’âge. Heureusement, une étude menée par le Beckley/Sant Pau Research Programme, et publiée dans la revue Scientific Reports, révèle que certains composés présents dans l’ayahuasca, un breuvage psychédélique amazonien, stimulent effectivement la naissance de nouveaux neurones.
Les chercheurs ont placé de l’harmine et de la tétrahydroharmine – les alcaloïdes les plus répandus dans l’ayahuasca – dans une boîte de Petri contenant des cellules souches d’hippocampe, et ont découvert que cela augmentait considérablement la vitesse à laquelle ces cellules se développaient en neurones complètement matures. Les résultats de cette étude ont été présentés pour la première fois en 2016 lors de la Interdisciplinary Conference on Psychedelics Research, et constituent la première preuve que les composants de l’ayahuasca ont des propriétés neurogéniques, ouvrant ainsi de nombreuses possibilités de recherche future.
Nous menons actuellement d’autres expériences pour discerner l’ampleur des effets observés, ainsi que des études sur les animaux vivants. La reproduction des résultats actuels in vivo représenterait une percée majeure dans le domaine de la santé mentale, avec des applications potentielles allant du traitement des troubles neurodégénératifs et psychiatriques jusqu’à la réparation de lésions cérébrales associées aux accidents vasculaires cérébraux ou aux traumatismes.
Jordi Riba du programme de recherche Beckley/Sant Pau explique les dernières découvertes, en les illustrant avec les belles images ci-dessous
Ce que vous voyez, c’est une « photo statique » prise après plusieurs jours de traitement des cellules souches avec les différents composés. Aucun neurone n’était présent avant les trois différents arbres: a) salin (eau+sel); b) harmine; et c) tétrahydroharmine.
La première image est le témoin, lorsque seule l’eau salée (saline) est ajoutée aux cultures cellulaires. Ces cellules souches ont été traitées avec du sérum physiologique pendant plusieurs jours et seules quelques-unes d’entre elles sont devenues de jeunes neurones (les quelques tâches vertes de l’image).
La deuxième image montre les résultats après plusieurs jours de traitement à l’harmine: le bleu est toujours présent car c’est un marqueur de noyaux cellulaires, et toutes les cellules ont des noyaux (cellules souches et neurones). Les taches vertes sont les jeunes neurones marqués par la coloration Tuj1 (cette coloration est spécifique pour les « neurones spécifiques de la classe III beta-tubuline) présents dans les neurones récemment créés. Les taches rouges montrent des neurones plus matures. La coloration marque la protéine 2 associée au microtubule (MAP-2). Sa présence augmente pendant le développement des neurones.
La troisième image montre les résultats obtenus après plusieurs jours de traitement à la tétrahydroharmine. La signification des couleurs est la même.