La Molécule De Diméthyltryptamine (DMT) Accélère La Croissance De Nouveaux Neurones

En plus d’être présente naturellement dans les tissus de certains animaux, y compris le cerveau humain, la N,N-diméthyltryptamine (DMT) est la principale molécule active du breuvage visionnaire ayahuasca. Utilisée à des fins rituelles et médicinales dans les cultures traditionnelles d’Amérique du Sud, la DMT a fait l’objet d’une attention particulière ces derniers temps en raison de ses propriétés thérapeutiques dans la lutte contre la dépression et l’anxiété.

Bien qu’il s’agisse d’une molécule naturelle utilisée depuis des siècles dans diverses cultures, ses effets sur le cerveau sont encore mal connus. Récemment, cependant, les chercheurs ont montré qu’elle jouait un rôle important dans la neurogenèse in vitro et in vivo chez les souris, avec des résultats comportementaux associés particulièrement prometteurs. L’étude, réalisée à Madrid, a été publiée dans la revue Translational Psychiatry.

La neurogenèse désigne le processus de création de nouveaux neurones dans le cerveau, qui se produit principalement dans la zone sous-ventriculaire (zone séparant le tissu cérébral des ventricules latéraux remplis de liquide céphalorachidien) et dans l’hippocampe. La neurogenèse est très complexe et mal comprise, ce qui rend les résultats de la présente étude d’autant plus intéressants.

Les auteurs ont examiné les effets de la DMT sur la neurogenèse à la fois in vitro (c’est-à-dire dans des conditions de laboratoire, comme dans une boîte de Pétri ou une éprouvette) et in vivo, c’est-à-dire sur des animaux vivants – dans ce cas, des souris de laboratoire.

Les résultats de l’étude démontrent une activation généralisée d’une variété de mécanismes neurogéniques en présence de DMT. Par exemple, les chercheurs ont constaté que la DMT réduisait la « souchitude » dans les neurosphères (neurones flottant librement dans une culture en laboratoire). Le terme « souchitude » fait référence à la propriété unique des cellules souches de se transformer en n’importe quelle cellule du corps. En d’autres termes, la DMT peut pousser les neurones indifférenciés à se développer en formes matures.

Ces résultats ont été confirmés lors d’un second test, où les chercheurs ont constaté que la DMT favorisait la différenciation des neurones en trois principaux types de cellules nerveuses : les neurones, les astrocytes et les oligodendrocytes. Cela signifie que la DMT n’est pas seulement impliquée dans la neurogenèse pure et simple, mais aussi dans la prolifération des cellules gliales, qui jouent des rôles de soutien divers et essentiels dans le cerveau.

On a également constaté que les neurosphères provenant de l’hippocampe et qui avaient été traitées avec de la DMT augmentaient considérablement en taille et en nombre, indiquant que l’injection de la molécule de DMT était directement lié à la prolifération de nouvelles cellules.

In vivo, la DMT a également facilité la migration des nouveaux neurones, une étape cruciale pour leur permettre de remplir leurs nouveaux rôles dans le cerveau.

Tous ces résultats pointent vers un impact significatif de la DMT sur la neurogenèse, en agissant à plusieurs niveaux et en facilitant la prolifération, la migration et la différenciation de nouveaux neurones. En outre, les souris ayant été soumises à des doses de DMT ont obtenu de meilleurs résultats dans les tests portant sur la mémoire. Cette amélioration semble cohérente avec une nouvelle production de neurones dans l’hippocampe (largement reconnu comme le siège de l’apprentissage et de la mémoire dans le cerveau des animaux).

« Cette capacité à moduler la plasticité du cerveau laisse penser que cette molécule présente un grand potentiel thérapeutique pour un large éventail de troubles psychiatriques et neurologiques, y compris les maladies neurodégénératives », a expliqué José Ángel Morales, chercheur au département de biologie cellulaire de l’UCM et du CIBERNED.

Au-delà du pur intérêt scientifique, la compréhension de la neurogenèse et, à terme, la possibilité de la promouvoir activement, ont diverses implications thérapeutiques. De nombreuses maladies neurodégénératives comme les maladies de Parkinson et d’Alzheimer sont associées à des déficiences de la neurogenèse, par exemple, tandis que la capacité d’induire la neurogenèse à volonté pourrait éventuellement être utilisée pour réparer les dommages causés par les lésions et les accidents vasculaires cérébraux.

« Le défi consiste à activer notre capacité dormante à former des neurones et à remplacer ainsi les neurones qui meurent à cause de la maladie. Cette étude montre que la DMT est capable d’activer les cellules souches neurales et de former de nouveaux neurones », a souligné Morales.

On est encore loin de tels remèdes, mais des études comme celle-ci posent les bases et sont essentielles à notre compréhension du cerveau.

L’étude, intitulée « N,N-dimethyltryptamine compound found in the hallucinogenic tea ayahuasca, regulates adult neurogenesis in vitro and in vivo », a été réalisée par Jose A. Morales-Garcia, Javier Calleja-Conde, Jose A. Lopez-Moreno, Sandra Alonso-Gil, Marina Sanz-SanCristobal, Jordi Riba et Ana Perez-Castillo.

 

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Article original : Christian Rigg /psypost.org