Pourquoi Notre Cerveau Fabrique-T-Il De La Diméthyltryptamine (DMT) ?

Les scientifiques s’interrogent sur le rôle biologique que joue la diméthyltryptamine dans le corps humain.

La diméthytryptamine (DMT) permet d’ouvrir les portes des royaumes autrement invisibles de la conscience universelle où les communications avec des extraterrestres et les confrontations avec la mort sont choses courantes. Lorsqu’elle est consommé correctement, elle provoque un voyage éthéré de désincarnation, un aller-retour hyperdimensionnel entre son canapé et la conscience cosmique, le tout en moins de 20 minutes. Mais mystérieusement, cette substance énigmatique est naturellement (endogène) produite par le corps humain. Soixante ans après cette découverte, la science moderne n’a toujours pas répondu à ce qui pourrait être l’ultime question psychédélique : Pourquoi notre corps fabrique-t-il cette puissante molécule ?

Le chimiste et psychiatre hongrois Stephen Szara a été la première personne à ressentir les effets de la DMT en 1956 après s’être auto-administré une dose. Après la découverte des effets subjectifs de la DMT, il a émis l’hypothèse que la DMT endogène pourrait agir comme une « schizotoxine » – une substance interne qui provoquerait des symptômes de schizophrénie et d’autres états psychiatriques hallucinatoires. Mais les recherches concernant cette hypothèse ont été brusquement interrompues à la suite de la promulgation du Controlled Substance Act de 1970, et les recherches sur la DMT endogène sont restées sans suite pendant des décennies.

Le travail pionnier du Dr. Rick Strassman au début des années 1990 a ravivé l’intérêt culturel et scientifique sur la question du rôle endogène de la DMT. Lors de la première étude psychédélique menée sur des humains depuis des décennies, Strassman a administré plus de quatre cents doses de DMT à des volontaires de l’université du Nouveau-Mexique, ce qui l’a conduit par la suite à désigner la molécule de DMT sous le nom de « molécule de l’esprit ». Cette appellation évoquait la capacité de la DMT à faire le pont entre les réalités subjectives et objectives – un cadre biologique explicatif des effets subjectifs survenant lors d’expériences comme la mort, les expériences de mort imminente (EMI) ou les états mystiques religieux ou transcendantaux.

Le livre de Strassman, intitulé DMT : La Molécule de l’Esprit, présente sur sa couverture la peinture de l’artiste Alex Grey intitulé Dying et dépeint une vapeur nébuleuse sortant d’un corps au milieu d’une transition psychédélique entre la vie et la mort. Cette représentation de la mort illustre de façon frappante l’une des hypothèses de Strassman : Un afflux de DMT produit de façon endogène et libéré par le cerveau contribuerait à l’expérience subjective de la mort. Cette hypothèse a pris de l’ampleur en 2019 quand des scientifiques ont comparé les expériences de personnes ayant reçu de la DMT à celles de personnes ayant subi une véritable expérience de mort imminente. En se basant sur les réponses des participants à une échelle pour graduer l’intensité d’une EMI, les deux types d’expériences étaient presque indissociables. Si cette hypothèse était confirmée, elle conforterait l’idée que notre corps contient un système hallucinatoire endogène, capable de générer naturellement des expériences de type psychédélique.

Toutefois, dans des conditions normales la DMT est présente dans notre corps, ce qui laisse penser qu’elle pourrait jouer un rôle dans des fonctions plus quotidiennes et non hallucinatoires. Les nouvelles recherches ont révélé que la DMT endogène pourrait être impliquée dans divers processus physiologiques, notamment la protection contre le stress hypoxique, l’anti-inflammation, les réponses immunitaires, la neuroplasticité ou la conscience des rêves. La vérité, cependant, est que la recherche sur la fonction de la DMT endogène en est encore à ses débuts, et nous sommes loin encore de comprendre clairement son ou ses rôles biologiques.

La majeure partie de la recherche actuelle sur les psychédéliques, qui se concentre sur l’application thérapeutique et l’action mécaniste des psychédéliques, néglige le système psychédélique potentiel médié par la DMT présente en chacun de nous. En approfondissant les recherches sur la fonction endogène de la DMT, on pourrait découvrir comment d’autres psychédéliques exercent leurs effets, et fournir un cadre permettant de mieux comprendre certains aspects des états psychédéliques

 

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