La Psilocybine Réduit L’Activité Neuronale Dans La Zone De L’Ego Du Cerveau

La psilocybine modifie la connectivité fonctionnelle des réseaux cérébraux liés à l’ego.

Les dernières études consacrées à la psilocybine par le docteur Roland Griffiths et ses collègues de l’université Johns Hopkins mettent en lumière la connectivité fonctionnelle d’une structure cérébrale liée à l’ego appelée « claustrum ». Les récentes découvertes (Barrett et al., 2020) de l’université Johns Hopkins sur la manière dont la psilocybine altère la connectivité fonctionnelle et l’activité neuronale du claustrum ont été publiées en ligne le 23 mai dans la revue NeuroImage.

Roland Griffiths est un pionnier de renommée mondiale dans le domaine de la recherche sur la psilocybine. Ces dernières années, il a joué un rôle essentiel dans la mise au point de médicaments psychédéliques bénéficiant de la désignation de « traitement révolutionnaire » (breakthrough therapy, BT). Griffiths est professeur de psychiatrie et de neurosciences et directeur du Centre pour la Recherche sur les Psychédéliques et la Conscience de l’université Johns-Hopkins, où a été menée la dernière étude clinique sur la psilocybine et le claustrum.

Pourquoi n’avez-vous jamais entendu parler du claustrum (latin pour « caché ») jusqu’à présent ?

Santiago Ramón y Cajal (1852-1934) et une poignée d’autres neuroscientifiques ont manifesté leur intérêt pour le claustrum tout au long de l’histoire. Néanmoins, le claustrum a été à la hauteur de son nom latin en restant hors du radar de la plupart des scientifiques pendant des siècles.

Dans un article relativement obscur, « Quelle est la fonction du claustrum ? Francis Crick et Christof Koch (Crick & Koch, 2005) décrivent la structure et la fonction de cette région du cerveau :

« Le claustrum est une structure neuronale mince, irrégulière, en forme de feuille, cachée sous la surface interne du néocortex dans la région générale de l’insula. Sa fonction demeure énigmatique. Son anatomie est tout à fait remarquable dans la mesure où cet organe reçoit des informations de presque toutes les régions du cortex et est en même temps capable d’émettre en direction de presque toutes les régions du cortex. »

De son vivant, Francis Crick (1916-2004), qui a reçu le prix Nobel en 1962 « pour ses découvertes concernant la structure moléculaire des acides nucléiques [ADN] et sa fonction dans le transfert d’informations dans la matière vivante », a émis l’hypothèse que le claustrum pouvait jouer un rôle dans la nature intégrée de la conscience et de l’identité humaine. Christof Koch (né en 1956) est un neuroscientifique germano-américain qui est surtout connu pour ses recherches sur les bases neurales de la conscience.

Pourquoi étudier l’influence de la psilocybine sur le claustrum ?

Le claustrum contient un nombre disproportionné de récepteurs 5-HT2A sensibles aux substances telles que le LSD ou la psilocybine. En raison de la forte expression des récepteurs 5-HT2A dans le claustrum et de la façon dont ce dernier gère l’entrée et la sortie d’informations avec presque toutes les régions du cortex cérébral, les chercheurs de Johns Hopkins ont voulu étudier comment la psilocybine modulait le fonctionnement du claustrum chez les êtres humains en utilisant l’imagerie cérébrale par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).

Pour cette étude, Barrett et al. ont recruté quinze participants familiarisés à la fois avec l’environnement IRM et ayant déjà participé à une expérience antérieure sur les effets subjectifs d’une forte dose de psilocybine (25 mg). Pour étudier les effets de la psilocybine sur le claustrum, les participants ont reçu 10 mg de psilocybine (ou un placebo) et ont passé une IRMf du cerveau 100 minutes plus tard.

Les chercheurs ont découvert que la psilocybine réduisait l’activité neurale du claustrum de 15 à 30 %. Les scanners cérébraux ont également montré que « la psilocybine altérait de manière importante la connectivité fonctionnelle du claustrum avec les réseaux cérébraux qui assurent la perception, la mémoire et l’attention ».

Les évaluations des effets subjectifs de la psilocybine par rapport au placebo ont été effectuées au repos immédiatement après chaque scanner cérébral et ont été notées sur une échelle de 0 à 10 (de 0 = aucun effet, à 10 = effet extrême). Il est intéressant de noter qu’une plus grande réduction de l’activité neuronale dans le claustrum a été mise en corrélation avec des expériences mystiques plus intenses rapportées par les participants. L’année dernière, Griffiths a publié un article sur ces « expériences de rencontre avec Dieu ». (Griffiths et al., 2019)

Dans un communiqué de presse du 4 juin 2020, les chercheurs de l’université Johns Hopkins ont déclaré  » Cela rejoint les effets caractéristiques des psychédéliques rapportés dans de nombreux témoignages, notamment le sentiment d’être connecté à tout ce qui existe et la réduction du sentiment de soi ou de l’ego ».

Lors d’expériences antérieures, les réductions de la connectivité fonctionnelle provoquées par la psilocybine au sein du réseau du mode par défaut ont été corrélées à des effets subjectifs plus intenses et à des expériences mystiques ou de dissolution de l’ego « les plus intenses que l’on puisse imaginer ».

« Nos découvertes nous rapprochent de la compréhension des mécanismes qui régissent le fonctionnement de la psilocybine dans le cerveau », a déclaré dans le communiqué de presse le premier auteur Frederick Barrett, professeur adjoint de psychiatrie et de sciences du comportement à la faculté de médecine de l’université Johns Hopkins et membre du Centre pour la Recherche sur les Psychédéliques et la Conscience.

Il a par ailleurs précisé : « Nous espérons que cela nous permettra de mieux comprendre pourquoi la psilocybine peut être une thérapie efficace dans le traitement de certains troubles psychiatriques, et pourrait nous aider à adapter les thérapies pour alléger les souffrances de davantage de personnes ».

Dans le cadre de futures recherches, Barrett et ses collègues étudieront comment d’autres psychédéliques comme la Salvinorine A – une molécule psychoactive dérivé d’une plante mexicaine – affectent le claustrum.

En ce qui concerne l’orientation générale des futures recherches dans ce domaine, les auteurs estiment que :  » À titre d’orientation future qui pourrait s’appliquer largement au domaine des psychédéliques, la comparaison des effets des psychédéliques chez les sujets avec et sans exposition préalable aux psychédéliques sera importante pour comprendre les interactions entre les effets aigus et durables de ces composés ».

 

References :

Frederick S. Barrett, Samuel R. Krimmel, Roland Griffiths, David A. Seminowicz, Brian N. Mathure. « Psilocybin Acutely Alters the Functional Connectivity of the Claustrum With Brain Networks That Support Perception, Memory, and Attention. » NeuroImage (First published online: May 23, 2020) DOI: 10.1016/j.neuroimage.2020.116980

Roland R. Griffiths, Ethan S. Hurwitz, Alan K. Davis, Matthew W. Johnson, Robert Jesse. « Survey of Subjective ‘God Encounter Experiences’: Comparisons among Naturally Occurring Experiences and Those Occasioned by the Classic Psychedelics Psilocybin, LSD, Ayahuasca, or DMT. » PLOS ONE (First published: April 23, 2019) DOI: 10.1371/journal.pone.0214377

Francis C. Crick and Christof Koch. « What Is the Function of the Claustrum? » Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences (First published online: June 29, 2005) DOI: 10.1098/rstb.2005.1661

 

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