L’activisme social et environnemental qui a fait des années 1960 une décennie si emblématique et si influente est né d’un changement existentiel dans les consciences. Les mouvements ont émergé sur la base d’un nouvel esprit de connexion et d’unité et, comme il a déjà été répété à maintes reprises, ce sentiment d’unité universelle fut largement encouragé par la popularité croissante des drogues psychédéliques.
Un demi-siècle plus tard, les scientifiques trouvent encore des liens entre l’utilisation de ces composés et la protection de l’environnement. Un article récent du Beckley/Imperial Psychedelic Research Programme a révélé qu’à la suite d’une séance de psychothérapie assistée par la psilocybine, les participants obtenaient un score beaucoup plus élevé en matière de relation envers le monde naturel ainsi qu’une perception subjective plus profonde de connexion à la Nature.
En plus de l’effet profondément positif que la thérapie psychédélique a pu avoir dans le traitement de la dépression, l’appréciation accrue pour le monde naturel peut avoir des avantages indirects ; des preuves provenant d’autres études suggèrent qu’une plus grande connexion à la nature est associée à un niveau d’anxiété plus faible et un plus grand bien-être personnel.
Une autre étude publiée l’an dernier dans le Journal of Psychopharmacology a révélé que les personnes qui avaient consommé des psychédéliques étaient plus susceptibles d’adopter des comportements en faveur de l’environnement, comme acheter des produits écologiques, réduire les déplacements aériens afin de réduire leur empreinte carbone et adopter des pratiques responsables en matière de consommation d’eau. (sic)
Selon les auteurs de l’étude, les psychédéliques « contribuent au comportement pro-environnemental en modifiant les comportements auto-construits en termes d’intégration au monde naturel ». En d’autres termes, les expériences psychédéliques ne changent pas seulement la façon dont nous percevons la nature – elles semblent aussi procurer un sentiment durable d’être connectés à la nature, en incitant à changer activement nos comportements pour mieux la protéger.
Ces découvertes remontent aux débuts de la recherche psychédélique, dans les années 1950 et 1960, lorsque des scientifiques comme Ralph Metzner ont commencé à faire des recherches sur la façon dont les puissants résultats obtenus avec des substances comme le LSD, la mescaline et la psilocybine pouvaient faire émerger une nouvelle « écopsychologie ».
« Les expériences psychédéliques entraînent une expansion du sentiment d’identité au-delà des frontières habituelles de notre corps et de notre moi », écrivait Metzner. « La conscience peut aussi s’étendre vers l’extérieur et se transformer en un sentiment d’interconnexion avec toutes les formes de vie de la grande toile écologique de la planète. »
Et bien que des lois prohibitives aient pu empêcher ces composés de réaliser leur potentiel révolutionnaire, la récente vague de recherche sur leur pouvoir thérapeutique a donné plus de poids à l’argumentaire de Metzner.
Par exemple, dans une récente étude menée par le programme de recherche Beckley/Imperial, les deux tiers des patients souffrant de dépression résistante au traitement étaient libérés de leur état trois mois après avoir suivi une psychothérapie assistée par la psilocybine. Une analyse de suivi a révélé que cette amélioration a été largement catalysée par une augmentation soudaine du sentiment d’unité avec le reste du monde.
Lorsqu’on lui a demandé de décrire l’expérience avec la psilocybine, un participant a répondu : « J’avais l’impression d’être le soleil scintillant à travers les feuilles, j’étais la nature. » Un autre a résumé la sensation en disant : « Cette connexion, c’est un sentiment incroyable …. ce sentiment de connexion, nous sommes tous interconnectés, c’est comme un miracle ! »
Nos recherches en cours portent sur la façon dont les psychédéliques produisent ces connaissances particulières et sur la façon dont elles peuvent être exploitées afin d’inculquer une nouvelle conscience collective fondée sur l’unité universelle, d’où pourrait émerger un nouvel ordre politique, social et environnemental.
Une percée majeure dans ce domaine d’investigation scientifique a été réalisée en 2016 lorsque le Beckley/Imperial Research Programme a publié la première étude d’imagerie cérébrale au monde sur le LSD. Les scans ont montré comment le composé réduisait la connectivité au sein d’un réseau cérébral appelé le Réseau du Mode par Défaut (MPD), qui est fortement impliqué dans le maintien du sentiment de soi, et est parfois décrit comme le corrélat neuronal de l’ego.
En même temps, la connectivité globale de l’ensemble du cerveau a augmenté, ce qui a conduit à un modèle plus harmonieux de l’activité neuronale. Ces effets étaient fortement corrélés à l’expérience subjective du sentiment de « dissolution de l’ego « , où les participants ont rapporté des sentiments d’unité avec l’Univers.
D’autres études se pencheront plus en profondeur sur ce phénomène, en étudiant notamment comment cibler le Réseau du Mode par Défaut afin de briser les schémas rigides de cognition qui sous-tendent certains troubles mentaux. Et même si ces études viseront ostensiblement à traiter des maladies médicales spécifiques, les découvertes qu’elles produiront pourraient un jour aider à guérir la société à un niveau plus fondamental en rééquilibrant la compréhension de notre place au sein du monde naturel.
Article original : Benjamin Taub & Nick Cherbanich /beckleyfoundation.org