La psilocine accélère la croissance des neurones et augmente le nombre de connexions neuronales.
En juin 2018, des chercheurs de l’Université de Californie à Davis ont publié les résultats d’une étude démontrant la capacité des psychédéliques sérotoninergiques, y compris la psilocine, à augmenter la neurogénèse (nouvelle croissance des neurones) et/ou la spinogenèse (croissance des épines dendritiques des neurones) in vitro et in vivo via le récepteur 5-HT2A.1 Les chercheurs ont aussi introduit le terme « psychoplastogène » pour désigner des composés qui favorisent la plasticité du cerveau.
Dans l’article, les auteurs affirment que l’étude a été menée en raison des effets de la kétamine, un anesthésique dissociatif. La kétamine est connue pour être un antidépresseur à action rapide et efficace dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Des études montrent que la kétamine favorise la croissance des épines dendritiques sur les cellules nerveuses, augmente la synthèse des protéines dans la synapse (l’écart entre les cellules nerveuses), et renforce la réponse synaptique. Les chercheurs se sont demandés si les psychédéliques sérotoninergiques pouvaient produire le même effet.
Les chercheurs ont déclaré : « En raison des similitudes entre les psychédéliques sérotoninergiques classiques et la kétamine dans les modèles précliniques et les études cliniques, nous avons pensé que leurs effets thérapeutiques pouvaient résulter d’une capacité commune à promouvoir la plasticité structurelle et fonctionnelle des neurones corticaux ».
Il s’avère que leur raisonnement était juste.
Effets sur les cellules cérébrales
En regardant de plus près à l’aide d’un microscope, les scientifiques ont constaté que les cellules du cerveau se décomposaient dans les état dépressifs et autres troubles neuropsychiatriques. Deux signes classiques sont la perte des épines dendritiques et l’atrophie dendritique. Ces effets cellulaires sont utilisés en laboratoire comme indicateurs des effets des médicaments expérimentaux et d’autres substances. La plasticité fonctionnelle est la capacité du cerveau à réorienter les fonctions d’une zone endommagée vers une autre zone. La plasticité structurelle permet au cerveau de modifier sa structure physique. Ainsi, les deux types de plasticité aident le cerveau à se remettre d’une lésion et à restaurer (ou même à augmenter) sa fonctionnalité.
Dans l’ensemble, l’étude a révélé que les psychédéliques testés étaient capables d’augmenter « fortement » la neurogénèse, la spinogenèse ou les deux. Outre la psilocine, l’étude a testé les effets du LSD (diéthylamide de l’acide lysergique), de la MDMA (3,4-méthylènedioxyméthamphétamine), du DOI (2,5-diméthoxy-4-iodoamphétamine), de la DMT (N,N-diméthyltryptamine) et de l’ibogaïne. La psilocine et la DMT sont les deux tryptamines testées qui ont eu les effets les plus comparables à ceux de la kétamine dans la stimulation de la neuroplasticité structurelle et fonctionnelle.
Le rôle des récepteurs
Puisque le récepteur 5-HT2A est responsable des effets classiques des psychédéliques, les chercheurs se sont naturellement demandé si ce récepteur jouait un rôle dans l’augmentation de la neuroplasticité structurelle et fonctionnelle. Ils ont utilisé la kétansérine, un antagoniste du 5-HT2A, afin de bloquer le récepteur des neurones corticaux du rat. Ils se sont alors rendus compte que les composés psychédéliques (y compris la psilocine) ne favorisaient plus la neurogenèse et la spinogenèse.
En plus du 5-HT2A, les changements structuraux dans les cellules neuronales se sont également produits par l’intermédiaire de récepteurs appelés TrkB (récepteur de la tropomyosine kinase B) et mTOR (cible de la rapamycine chez les mammifères). Ces récepteurs sont connus pour jouer un rôle crucial dans la neuroplasticité via une substance appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF). Lorsque les chercheurs ont utilisé des antagonistes pour ces récepteurs en même temps que les psychédéliques, les effets de la neurogenèse et de la spinogenèse ont cessé.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Les auteurs de l’étude espèrent que leurs découvertes ajouteront à la crédibilité de l’utilisation des drogues psychédéliques en psychothérapie. De plus, ils affirment avoir identifié « plusieurs supports solides » pour les chercheurs en chimie médicale afin de développer « …des composés favorisant la plasticité comme traitements sûrs, efficaces et à action rapide contre la dépression et d’autres troubles apparentés. »
- REFERENCES
- Ly C, Greb AC, Cameron LP, et al. Psychedelics Promote Structural and Functional Neural Plasticity. Cell Reports. 2018;23(11):3170-3182. doi:10.1016/j.celrep.2018.05.022