Pour une molécule aussi simple et répandue, la N, N-Diméthyltryptamine (DMT) a le don de frustrer les scientifiques. Surnommé la « molécule de l’esprit » par le Dr Rick Strassman, cet alcaloïde de la familles des tryptamines produit une intense expérience psychédélique lorsqu’il est ingéré. Il apparaît également à l’état de traces dans le sang et l’urine, ce qui suggèrerait qu’il doit être produit dans le corps. Son rôle, cependant, reste un mystère.
Bien que personne n’ait réussi à identifier la source ou la fonction de la DMT endogène – c’est-à-dire de la DMT produite par le corps – un certain nombre de théories romantiques ont été avancées. La glande pinéale – que les psychonautes et les pseudo-scientifiques ont assimilée au « troisième œil » – est souvent présentée comme l’usine à DMT du corps, et Strassman a popularisé l’idée que le cerveau libèrerait de grandes quantités du composé lorsque nous rêvons et lorsque nous mourons, expliquant ainsi l’imagerie profonde que nous vivons quand nous dormons et, supposément, quand nous entrons dans la lumière blanche.
Le week-end dernier, lors de la Breaking Convention – la plus grande conférence scientifique sur les psychédéliques d’Europe – des chercheurs se sont notamment penchés sur le mystère de la DMT endogène pour éclaircir un peu ce que nous savons réellement de cette molécule hautement vénérée.
Parmi les conférenciers figurait le Dr Ede Frecska, qui a parlé de la façon dont la DMT se lie au récepteur sigma-1, que l’on retrouve dans tout le corps. Ce récepteur joue un rôle clé dans la protection des cellules contre la mort lorsque l’oxygène est faible, laissant place à l’argument que la DMT peut effectivement être libéré en grandes quantités lors de la mort dans une tentative ultime de garder nos cellules vivantes. En extrapolant à partir de cette constatation, on pourrait être tenté d’émettre l’hypothèse que cette inondation soudaine de DMT pourrait provoquer des rencontres mystiques à la frontière entre la vie et la mort, souvent rapportées par ceux qui meurent et sont ressuscités.
Le Dr Jimo Borjigin, qui a fait état de la découverte récente de la DMT dans la glande pinéale du rat, était également présente, ajoutant du poids aux affirmations selon lesquelles cette petite glande pourrait bien être la source de la DMT endogène. Cependant, avant que la foule ne s’emporte trop vite, le Dr David Nichols est monté sur scène pour apporter une dose de réalité scientifique.
Expliquant que le rôle principal de la glande pinéale est de sécréter de la mélatonine afin de réguler nos cycles du sommeil, il a rappelé à l’auditoire émerveillé que nous devons encore découvrir des preuves de la production réelle de DMT dans la glande pinéale des humains.
De plus, la quantité de DMT présente dans notre sang est loin d’être suffisante pour produire un effet lorsqu’elle se lie aux récepteurs sigma-1, ce qui signifie que toute allégation selon laquelle le composé joue un rôle dans le maintien en vie des cellules ou nous fournit un décollage psychédélique au moment de la mort, n’est, à ce stade, qu’une simple conjecture.
Nichols a poursuivi en rappelant que l’on pourrait tout aussi bien théoriser que la DMT endogène n’est rien d’autre qu’un déchet métabolique, généré comme sous-produits lors de la synthèse de neurotransmetteurs comme la sérotonine ou le tryptophane.
En fin de compte, il semble que nous ayons encore plus de questions que de réponses en ce qui concerne la DMT endogène, bien que nous puissions au moins être plus certains des effets de la DMT sur le cerveau lorsqu’elle est ingérée. Une récente étude menée par Beckley/Sant Pau a révélé que les buveurs réguliers d’ayahuasca contenant de la DMT présentaient une augmentation prolongée de nombreux traits associés à la pleine conscience, qui entraîne une amélioration de l’humeur. Cet effet a été corrélé avec une diminution des ondes cérébrales alpha sous l’effet de l’ayahuasca, ainsi qu’une réduction de la taille d’une région cérébrale appelée cortex cingulaire postérieur.
Le programme de recherche Beckley/Imperial se prépare maintenant à entreprendre une nouvelle étude d’imagerie cérébrale dirigée par Chris Timmermann, qui utilisera à la fois l’EEG et l’IRMf pour surveiller l’activité neuronale des participants sous les effets de la DMT. Ce faisant, nous espérons découvrir exactement comment le composé déclenche ses remarquables effets intenses, y compris l’étrange phénomène des rencontres avec des « entités ».