Selon une nouvelle étude, la drogue connue sous les noms de rue Ecstasy ou Molly pourrait devenir un traitement prometteur pour guérir le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Une étude publiée mardi dans la revue britannique The Lancet Psychiatry a révélé qu’après deux séances de psychothérapie avec la drogue festive, officiellement connue sous le nom de MDMA, la majorité des 26 anciens combattants et des secouristes atteints de SSPT chronique qui n’avaient pas été aidés par les méthodes traditionnelles ont vu leurs symptômes diminuer de façon spectaculaire.
Les améliorations étaient si spectaculaires que 68 % des patients ne répondaient plus aux critères cliniques du SSPT. Selon l’étude, les patients prenant le traitement ont également connu des améliorations « drastiques » du sommeil et sont devenus plus consciencieux.
Les résultats, qui reflètent ceux d’études similaires à petite échelle au cours des dernières années, arrivent au moment où la MDMA est sur le point d’entrer dans des essais de phase 3 plus vastes cet été. Sur la base des résultats précédents, la Food and Drug Administration a accordé le statut de traitement révolutionnaire à la MDMA, ce qui pourrait accélérer l’approbation. Si des essais à grande échelle peuvent reproduire les résultats en matière d’innocuité et d’efficacité, le traitement pourrait être approuvé pour usage légal d’ici 2021.
Nicholas Blackston, 32 ans, un participant à l’étude qui avait été mitrailleur de marine en Irak, a déclaré lors d’une interview. « J’ai été capable de me pardonner. C’était comme un nettoyage. »
Mais la légalisation possible d’une drogue de fête largement abusée soulève beaucoup de questions.
Comment le traitement à la MDMA pourrait-il fonctionner ?
Personne ne rentre chez lui avec une bouteille d’ecstasy.
Si elle est approuvée par la F.D.A., la MDMA ne sera administrée que par un thérapeute agréé. Tout d’abord, un patient suit trois séances de psychothérapie. Lors de la quatrième séance, le patient prend une pilule.
Après avoir ingéré la MDMA, le patient s’allonge sur un futon au milieu de bougies et de fleurs fraîches, en écoutant de la musique. Deux thérapeutes – une femme et un homme – s’assoient aux côtés du patient en tant que guides. Cette séance dure huit heures.
« Nous les encourageons à mettre de côté toutes les attentes et à être ouverts. Les expériences ont tendance à être très individuelles », a déclaré le Dr Michael Mithoefer, l’un des principaux chercheurs.
La drogue inonde le cerveau d’hormones et de neurotransmetteurs qui évoquent des sentiments de confiance et de bien-être. Les chercheurs affirment que cela permet aux patients de réexaminer des souvenirs traumatisants.
Dans la psychothérapie de suivi, les patients traitent les émotions et les idées émergeant durant la séance de MDMA. Le protocole actuel prévoit que les patients doivent prendre de la MDMA deux ou trois fois, à un mois d’intervalle, entrecoupé d’une psychothérapie.
« La MDMA seule ou la thérapie seule ne semble pas être aussi efficace », a affirmé le Dr Mithoefer. « La MDMA semble agir comme un catalyseur qui permet la guérison. »
Qu’en disent les patients ?
« J’ai été capable de me pardonner », a déclaré Nigel McCourry, 36 ans, un ancien combattant de la Marine qui a été déployé en 2004 à Falluja, en Irak, dont l’expérience reflétait celle de trois autres patients interrogés.
McCourry est rentré de la guerre, incapable d’échapper aux scènes d’une explosion qui a failli le tuer, et hanté par la mémoire de deux jeunes filles qu’il a accidentellement tuées dans une fusillade. Il avait du mal à s’endormir. Il buvait pour oublier. La rage a érodé la plupart de ses relations.
Il a essayé d’obtenir de l’aide dans un hôpital du ministère des Anciens Combattants, mais n’a pas pu relâcher suffisamment sa garde pour bénéficier d’une psychothérapie standard. Une poignée de médicaments destinés à l’aider lui a donné l’impression d’être un zombie et il les a abandonnés. Il envisageait de se suicider quand il a essayé la MDMA.
« Quand ça a commencé, c’était comme une révélation », a-t-il dit. « Je pouvais voir toutes ces choses de la guerre que j’avais peur de regarder avant, et ma perspective était totalement nouvelle. J’ai ressuscité les parties de moi que j’avais perdues. J’ai réalisé que je me considérais comme un monstre, et j’ai pu commencer à avoir un peu de compassion pour moi-même. C’était un tournant, et l’année suivante, j’ai continué à m’améliorer. »
« Il y a encore quelques défis auxquels je dois faire face de temps à autre en ce qui concerne le SSPT », a-t-il ajouté. « Mais maintenant, je suis capable de les surmonter sans être coincé. »
Mais est-ce que ça marche vraiment ?
C’est une question ouverte.
Les essais à grande échelle, qui comprendront jusqu’à 300 participants dans 14 sites, pourraient ne pas être en mesure de reproduire le succès des essais précédents, qui étaient limités à quelques douzaines de patients. Mais jusqu’à présent, les résultats sont encourageants. Presque tous les patients ont vu des réductions cliniquement significatives des symptômes, et la majorité d’entre eux ont vu des réductions si drastiques qu’ils ne répondaient plus aux critères d’un diagnostic de SSPT. Dans les 12 mois suivant le traitement par la MDMA, les symptômes du SSPT ont généralement continué à diminuer.
Les effets secondaires, y compris l’anxiété, les maux de tête, la fatigue, la tension musculaire et l’insomnie, étaient généralement mineurs et limités aux jours suivant les séances de MDMA.
D’autres chercheurs, intrigués par les résultats, commencent leurs propres études sur le traitement à la MDMA, y compris le ministère des Anciens Combattants.
Cela semble risqué. N’y a-t-il rien de mieux ?
Pas vraiment, a déclaré le Dr John Krystal, qui dirige la Division des neurosciences au Centre national de traitement du SSPT du ministère des Anciens Combattants. Il a décrit le manque actuel de thérapie efficace comme une « crise ».
« Le problème, c’est que nous n’avons pas beaucoup de traitements et que ce que nous avons ne fonctionne pas très bien. »
Seulement environ un ancien combattant sur trois souffrant du SSPT est traité efficacement, précise-t-il.
Les médecins utilisent souvent une combinaison de médicaments qui ne figurent dans la pharmacopée officielle pour tenter de gérer les cauchemars, les flashbacks et la dépression des patients, mais les médicaments ne font rien pour traiter l’affection sous-jacente et peuvent même avoir des effets secondaires négatifs.
La psychothérapie a aussi ses limites. Bien que de nombreux patients la trouvent utile, d’autres la trouvent trop traumatisante ou inefficace et abandonnent. Dans certaines études, les taux de décrochage atteignaient jusqu’à 40 %.
Qui est à l’origine de ces études ?
Pas Big Pharma. La recherche est organisée par une petite association à but non lucratif appelée Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, ou M.A.P.S., qui a été créée en 1986 peu après l’interdiction de la MDMA.
« Personne d’autre ne voulait s’y atteler, alors nous avons dû le faire », a déclaré le fondateur de M.A.P.S., Rick Doblin, qui est titulaire d’un doctorat en politique publique de Harvard et qui a fait de la légalisation de la MDMA l’œuvre de toute sa vie.
Les essais de phase 3 devraient coûter 27 millions de dollars.
D’où vient l’argent ?
Des dons. C’est tout. Et ils proviennent d’un étrange assortiment de sources. David Bronner, le PDG vegan de Dr. Bronner’s Magic Soaps et évangéliste psychédélique a donné 5 millions de dollars.
Mais il y a aussi la famille Mercer, une famille archi-conservatrice, qui finance généralement des institutions de droite comme Cambridge Analytica et Breitbart News; le regretté Richard Rockefeller, un champion de la santé publique; et un donateur anonyme connu sous le nom de Pine, qui a transféré 5 millions de dollars en Bitcoin.
Est-ce que cela signifie que les gens pourront s’auto-médicamenter avec la MDMA ?
Les gens le font déjà. L’enquête nationale sur la consommation de drogues et la santé a révélé qu’en 2014, plus de 17 millions d’Américains ont déclaré utiliser de la MDMA. Alors que beaucoup le font probablement à des fins purement récréatives, les usages thérapeutiques se sont répandus et les anciens combattants l’essaient illégalement à la maison.
Mais l’ecstasy de rue est dangereuse. La drogue de rue peut contenir un mélange inconnu d’autres stimulants et d’hallucinogènes, et une surdose peut être fatale. L’utilisation à des intervalles fréquents de MDMA peut également endommager le cerveau.
Qui encaisse si la MDMA devient légale ?
M.A.P.S. l’aurait fait au début. La MDMA a été brevetée à l’origine par le géant pharmaceutique Merck en 1912, mais elle n’a jamais été commercialisée et le brevet a expiré. La F.D.A. accorde une « exclusivité de données » temporaire aux groupes qui montrent de nouvelles utilisations de médicaments dont les brevets sont expirés. Cela donnerait à M.A.P.S. un monopole de cinq ans aux États-Unis. Après cela, d’autres sociétés pourraient en fabriquer.
M.A.P.S. prévoit de transférer les ventes à une société à but lucratif qui réinvestirait l’argent dans la recherche clinique sur l’utilisation de la MDMA avec d’autres troubles.
Le traitement à la MDMA est-il nouveau ?
Oui et non. La MDMA est une drogue illégale et n’a jamais été approuvée par la F.D.A. Mais pendant une dizaine d’années avant d’être interdite en 1985, elle a été utilisée comme aide en psychothérapie, en particulier sur la côte ouest.
À l’époque, les universitaires commençaient à soutenir que cette drogue et d’autres drogues psychédéliques pouvaient être un allié utile en psychothérapie. L’idée n’a pas réussi à s’imposer à l’époque, mais aujourd’hui, un certain nombre de chercheurs prestigieux étudient les utilisations thérapeutiques potentielles du LSD, de la psilocybine et de la MDMA.