De nouvelles recherches nous permettent de mieux comprendre comment la diméthyltryptamine est produite de façon endogène dans le cerveau et quand cette molécule est naturellement secrétée.
Une récente étude a révélé comment le cerveau de certains mammifères pouvait produire une molécule incroyablement puissante appelé DMT. La recherche montre que le psychédélique est produit de façon endogène dans un certain nombre de régions du cerveau, y compris le cortex visuel, et que les concentrations augmentent à la suite d’un arrêt cardiaque.
Pendant plusieurs décennies, l’hypothèse selon laquelle la diméthyltryptamine, ou DMT, était produite de façon endogène dans le corps humain a constitué un des mystères les plus fascinants dans le domaine de la science des psychédéliques. La présence de cette molécule hallucinogène extraordinairement puissante a été décelée en quantités infimes dans divers fluides corporels, mais les endroits où la DMT est produite dans le corps, et pourquoi cette molécule est produite, demeurent des questions sans réponse.
Le chercheur le plus connu dans le domaine de la DMT est un scientifique nommé Rick Strassman. Au début des années 1990, il a mené un certain nombre d’expériences marquantes, administrant de la DMT à des patients humains et consignant les résultats qu’il a publié dans un livre de référence intitulé DMT : La Molécule de l’Esprit.
Les travaux de Strassman ont permis de documenter une série fascinante d’expériences subjectives hors du commun, mais son hypothèse de départ présupposait que la DMT était produite dans la glande pinéale et libérée dans le corps à la fois dans les états de rêve et de mort. Une autre hypothèse extrêmement spéculative suggère que la substance serait secrété dans le corps humain au moment de la mort pour une raison encore inexpliquée. Ces idées sont restées un peu en marge de la science communément acceptée pendant des années, jusqu’à ce que le neuroscientifique Jimo Borjigin découvre le travail de Strassman dans le cadre de ses recherches.
Je me suis dit : « Attends, j’ai travaillé sur la glande pinéale pendant des années et je n’ai jamais entendu parler de ça », se souvient Borjigin. » Si la DMT est une monoamine endogène, il devrait être très facile de la détecter avec un détecteur de fluorescence. »
Borjigin a contacté Strassman et s’est mis en tête de trouver une bonne fois pour toutes des traces de DMT dans le cerveau d’un mammifère. Cette recherche a débouché sur un important article, publié en 2013, qui a permis pour la première fois de trouver formellement des traces de DMT dans la glande pinéale d’un rat.
Bien sûr, l’étude a soulevé plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses. Comment le cerveau du rat synthétisait-il la DMT ? Ce processus se limitait-il à la glande pinéale ? Quelle est la fonction de cette production endogène de DMT ?
Une nouvelle étude de Borjigin, Strassman et un certain nombre d’autres scientifiques ont éclairé certaines de ces questions, révélant comment la DMT était synthétisée dans le cerveau d’un rat, et comment les niveaux de diméthyltryptamine s’élèvent étrangement après qu’un arrêt cardiaque soit provoqué.
Deux enzymes, appelées INMT et AADC, sont indispensables à la biosynthèse de la DMT. Grâce à une nouvelle technique appelée hybridation in situ, les scientifiques ont découvert des cellules spécifiques du cerveau du rat capables d’exprimer les enzymes INMT et AADC. C’est la première explication mécaniste claire et plausible de la façon dont le cerveau d’un mammifère pourrait fabriquer de la DMT. Cette étude décrit ces cellules comme étant présentes dans de nombreuses parties du cerveau, et pas seulement dans la glande pinéale.
« Grâce à cette technique, nous avons trouvé des neurones contenant les deux enzymes nécessaires à la fabrication de la DMT, » a expliqué Borjigin. « On les trouve aussi dans d’autres parties du cerveau, y compris le néocortex et l’hippocampe, qui sont d’importantes zones pour les fonctions cérébrales d’ordre supérieur, comme l’apprentissage et la mémoire. »
La recherche a également dévoilé que les niveaux de DMT dans le cerveau du rat avaient augmenté de façon significative après un arrêt cardiaque provoqué de façon expérimentale. Bien qu’il ait été démontré que la DMT est produite dans plusieurs parties du cerveau, ces expériences d’arrêt cardiaque ont fait apparaître une nette augmentation de la concentration de DMT dans le cortex visuel.
La réplication de l’expérience chez des animaux sans glande pinéale n’a révélé aucune différence dans les niveaux de DMT présents dans le cortex cérébral. Cette découverte intéressante suggère que la glande pinéale n’est pas une partie importante dans la production de DMT dans le cerveau, contrairement à l’hypothèse de Strassman, mais que la molécule est en fait produite assez largement dans différentes régions du cerveau de l’animal.
Quant à la transposition de ces résultats au cerveau humain, cette première étude révèle la présence de neurones exprimant l’enzyme INMT dans le cerveau humain. Des études antérieures suggèrent que le cerveau humain contient également des neurones qui expriment l’enzyme AADC, mais d’autres travaux seront nécessaires pour découvrir s’il existe des cellules cérébrales humaines uniques qui expriment les deux enzymes à la fois.
Bien que ces travaux fassent progresser considérablement nos connaissances sur la façon dont le cerveau d’un mammifère peut produire de la DMT de façon endogène, la question de savoir pourquoi il peut produire cette molécule demeure un mystère complet. En raison de l’activité métabolique rapide de la DMT chez les humains, c’est une molécule incroyablement difficile à détecter, mais cette étude est un complément précieux dans le domaine des neurosciences psychédéliques, et a permis d’établir que les rats produisent de la diméthyltryptamine et qu’il est possible que le cerveau humain puisse en faire autant.
« Nous ne savons pas ce que fait cette molécule dans le cerveau », a avoué Borjigin. « Tout ce que nous disons, c’est que nous avons découvert les neurones qui fabriquent cette molécule dans le cerveau, et ce, de façon similaires aux neurotransmetteurs monoamine. »
L’étude a été publiée dans la revue Scientific Reports.
Source: University of Michigan