David Nickles – Il Est Temps De Démystifier Les Récits Prohibitionnistes Et Les Appels Aux Monopoles Dans Le Domaine De La Science Psychédélique

Au fur et à mesure que les entreprises à but lucratif financées par du capital à risque se lancent dans la thérapie psychédélique, le potentiel de privatisation généralisée des connaissances et des profits se fait de plus en plus menaçant. Certains chercheurs sont tellement enthousiastes à l’égard de la médicalisation par « tous les moyens nécessaires » qu’ils ont recours à des récits historiques prohibitionnistes tout en réclamant des monopoles pour faire avancer le programme de la recherche.

Depuis les premières années de prise de conscience psychédélique aux États-Unis, les plantes psychoactives, les champignons et les composés chimiques ont représenté un défi important pour le statu quo de la culture dominante. Des activistes inspirés par les psychédéliques se sont opposés à la guerre du Vietnam, ont approvisionné en nourriture, en vêtements et en médicaments les membres de leurs communautés, ont expérimenté des formes de vie en commun et ont tenté de renverser les systèmes oppressifs et hiérarchiques de ce que certaines des communautés psychédéliques actuelles pourraient appeler « le monde par défaut ». Au milieu de la récente poussée pour la « légitimation des psychédéliques », de nombreux défenseurs de la médicalisation et de l’intégration des psychédéliques ont tenté de nier ou de supprimer le lien vital entre les psychédéliques et ces legs de rébellion. Le fait de dissimuler la généalogie de l’engagement politique psychédélique ne fait pas que blanchir ces histoires, cela nuit aussi au potentiel révolutionnaire de ces composés chimiques.

Dans un article publié récemment sur chacruna.net, Casey Paleos, co-responsable de l’étude clinique de phase 3 de la psychothérapie assistée par la MDMA pour le traitement du syndrome de stress post-traumatique, parrainée par MAPS, préconise des approches marchandisées et à but lucratif pour la médecine psychédélique, comme celles qu’on a pu trouver avec COMPASS Pathways et qui sont financées par des fonds de capitaux à risque. S’appuyant sur une série d’affirmations fausses et contrefactuelles, Paleos tente de peindre l’image d’une « renaissance psychédélique » précairement équilibrée dans un paradigme prohibitionniste mis en mouvement par ses aïeux contre-culturels. Ce faisant, il ne tient pas compte des communautés psychédéliques dynamiques qui ont prospéré tout au long de la prohibition et témoigne de son ignorance de l’histoire réelle et vérifiable de la prohibition.

Dans son paragraphe d’ouverture, Paleos affirme :

« Le cri de ralliement [de Leary] exhortant les Américains à suivre son fameux slogan « Vas-y, mets-toi en phase, et décroche » a provoqué une réaction conservatrice d’une telle férocité que notre société en ressent encore les contrecoups : Nixon a identifié Leary comme « l’homme le plus dangereux d’Amérique », a déclaré la guerre contre la drogue et a promulgué l’interdiction des psychédéliques par le Controlled Substances Act de 1970.

Ce raisonnement a été utilisé par d’innombrables chercheurs et défenseurs des psychédéliques, dont Rick Doblin de MAPS. Malheureusement pour eux, ce récit prohibitionniste ne résiste même pas à l’examen le plus superficiel. Considérez la déclaration suivante de John Ehrlichman, un conseiller de Nixon :

« Vous voulez savoir de quoi il s’agissait vraiment ? La campagne de Nixon en 1968, et la Maison Blanche de Nixon par la suite, avaient deux ennemis : la gauche anti-guerre et les Noirs. Vous comprenenez ce que je veux dire ? Nous savions que nous ne pouvions pas rendre illégal le fait d’être contre la guerre ou d’être Noir, mais en amenant le public à associer les hippies à la marijuana et les Noirs à l’héroïne, puis en criminalisant les deux fortement, nous pourrions perturber ces communautés. Nous pourrions arrêter leurs dirigeants, perquisitionner leurs maisons, interrompre leurs réunions et les dénigrer nuit après nuit aux journaux télévisés du soir. Savions-nous que nous mentions à propos de la drogue ? Bien sur que oui. »

Même sans cet aperçu révélateur des motivations politiques de Nixon, nous savons que l’époque de la prohibition était déjà bien avancée avant le « Be-In » de 1967, où Leary exhortait les jeunes à suivre son slogan « Vas-y, mets-toi en phase, et décroche ».

Considérez les extraits suivants d’Acid Dreams de Martin Lee et Bruce Shlain :

En 1962, le Congrès a adopté des règlements exigeant que l’innocuité et l’efficacité d’un nouveau médicament soient prouvées en ce qui concerne l’état pour lequel il doit être commercialisé. Le LSD, selon la FDA, ne satisfaisait pas à ces critères.

En 1965, le Congrès a adopté les Drug Abuse Control Amendments, qui ont entraîné des restrictions encore plus sévères sur la recherche psychédélique. La fabrication et la vente illicites de LSD ont été déclarées comme un délit […] La publicité défavorable a forcé Sandoz à cesser complètement la commercialisation du LSD en avril 1966, et le nombre de projets de recherche est tombé à une poignée seulement.

Printemps 1966. Le Sous-comité sénatorial sur la délinquance juvénile convoque une nouvelle série d’audiences à Washington, DC, pour traiter du « problème croissant du LSD ». Le président Thomas… propose de nouvelles lois strictes visant « les pseudo-intellectuels qui préconisent l’usage de drogues à la recherche de certaines libertés imaginaires de l’esprit et à la recherche d’expériences psychiques supérieures ». Des mesures rapides et drastiques sont nécessaires, affirme Dodd, car le fléau du LSD se propage à un rythme alarmant parmi la jeunesse américaine.

Dans ce climat de quasi hystérie… Timothy Leary a offert une branche d’olivier aux politiciens, suggérant qu’un moratoire sur le LSD pourrait être approprié… Leary a annoncé qu’il exhorterait tout le monde à cesser de prendre du LSD pendant un an si les législateurs s’abstenaient d’interdire cette drogue. La législation répressive, avertissait Leary, inaugurerait une ère de prohibition qui serait « beaucoup plus onéreuse et angoissante » que le temps du moonshining des années 1920 et 1930. « Nous ne voulons pas de la vente ou de la distribution de LSD par des amateurs ou au marché noir », a déclaré Leary….

Afin d’assurer une bonne qualité de LSD et un bon usage de la drogue, Leary a proposé des séminaires pour les lycéens et les étudiants dans des centres de formation psychédéliques spéciaux. Ces institutions autoriseraient les adultes responsables qui souhaitent utiliser le LSD « à des fins sérieuses, telles que la croissance spirituelle, la poursuite de la connaissance, ou le développement personnel ».

La décision de réduire l’expérimentation du LSD a fait l’objet d’une enquête du Congrès[…] au printemps 1966 [et] a été prise par le sénateur Robert Kennedy […] Kennedy a insinué que les organismes de réglementation cherchaient à contrecarrer des recherches potentiellement prometteuses….

https://www.youtube.com/watch?v=r5l5lmy6EOQ

Finalement, le 14 janvier 1967, Leary prononça les prétendus mots d’interdiction à une foule d’environ 25 000 personnes lors d’un « Be-In » au Golden Gate Park à San Francisco. Le degré de révisionnisme historique qui sous-tend l’affirmation de Paleos semble conforme aux récits prohibitionnistes populaires.

Paleos poursuit en affirmant que nous en sommes maintenant à :

« ….à l’aube de quelque chose d’incroyable : restaurer la légitimité des psychédélique aux yeux de la culture dominante… »

Ce faisant, il met en évidence sa position en tant que chercheur blanc, masculin et privilégié. La culture dominante (c’est-à-dire le capitalisme, la suprématie blanche, le patriarcat, la civilisation industrielle, etc.) et ses institutions sont fondées sur la notion que certains d’entre nous sont illégitimes simplement par nature de notre existence. Il y a des problèmes systémiques d’accès et d’oppression qui sous-tendent le statut de « légitime » du point de vue de la « culture dominante ». Les appels à s’engager dans une « politique de respectabilité » et à prétendre que nos valeurs sont continues avec celles de la culture dominante sont absurdes et intrinsèquement exclusives à ceux d’entre nous qui sont marginalisés par cette culture. Combien d’entre nous se sont trouvés attirés par les espaces psychédéliques précisément parce que nous étions menacés par la culture dominante ?

Paleos continue :

« [Doblin] l’a fait en reconnaissant que des changements sociétaux durables de cette ampleur ne peuvent être imposés de l’extérieur, comme Leary a voulu le faire ; ils ne peuvent être accomplis que de l’intérieur. »

Même si nous ignorons la notion oxymoronique de « changement sociétal durable » et la réalité que les sociétés sont en perpétuel changement – même les utopies conceptuelles exigent un « devenir constant », car les besoins fluctuants des humains et des écosystèmes sur lesquels ils reposent exigent un rééquilibrage constant – l’affirmation que le changement « ne peut être accompli que de l’intérieur » ne tient tout simplement pas devant une analyse historique.

Il suffit d’examiner le rôle des anarchistes dans le mouvement ouvrier, des abolitionnistes radicaux dans la lutte contre l’esclavage, des réfractaires à la conscription durant la guerre du Vietnam, des résistants Polonais pendant la Deuxième Guerre Mondiale, des Zapatistes au Chiapas ou d’autres « outsiders » nombreux qui ont réussi à faire adopter des transformations profondes (sinon durables) pour trouver dans la seule option valable, des lacunes criantes du changement lent, progressif. Qu’il s’agisse du rôle d’organisateurs militants comme Ella Baker, Stokely Carmichael et Leonard Peltier, de projets d’aide autonomes comme les cliniques de santé communautaire des Black Panthers et les programmes Free Breakfast for Children, ou de la résistance communautaire directe aux projets d’énergie extractive (dans des contextes autochtones ou industriels), l’affirmation que le changement des conditions matérielles de la société exige la complicité avec ses éléments les plus coercitifs et destructifs échoue sur le fond. Même dans les cas où un changement généralisé est venu « de l’intérieur », nous pouvons généralement trouver des acteurs extérieurs et des radicaux qui présentent la « fin indésirable » du spectre des négociations, forçant ainsi le dialogue avec des acteurs plus modérés.

Paleos a l’intention de mettre l’accent sur sa croyance en la médicalisation des psychédéliques, il explique :

« [Les psychédéliques] m’ont fourni des outils pour atteindre non pas la simple réduction des symptômes – ce qui est le mieux que les médicaments psychiatriques traditionnels peuvent espérer accomplir, lorsqu’ils sont efficaces -, mais pour obtenir une véritable guérison. Il est difficile de surestimer l’ampleur du besoin non satisfait de traitements efficaces dans le domaine des soins de santé mentale : les taux de suicide aux États-Unis sont actuellement les plus élevés depuis 30 ans et des centaines de millions de personnes souffrent de maladies mortelles comme la dépression, la toxicomanie et le SSPT pour lesquelles les traitements classiques se sont avérés complètement inefficaces. »

Ce faisant, Paleos expose involontairement un angle mort dans la logique de la médicalisation. Alors que de nombreux chercheurs en psychédéliques accrédités vantent leur croyance que les psychédéliques peuvent « effectuer une véritable guérison », plutôt qu’un simple traitement symptomatique, leur fixation sur l’individu comme une entité entièrement liée, séparée de leur environnement, est sans intérêt dans une perspective plus large.

Alors que les psychédéliques peuvent « effectuer une véritable guérison » de l’individu, le simple traitement de l’individu – sans engager les conditions matérielles (logement, soins de santé, police, etc.) qui contribuent aux causes de leur maladie – n’offre guère plus que la gestion systémique des symptômes, plutôt qu’une « solution culturelle ». L’idée que l’on peut s’attendre à ce que les psychédéliques guérissent les personnes qui sont systématiquement brutalisées par les systèmes coercitifs, destructeurs et traumatisants de la culture dominante, sans travailler simultanément à changer ces systèmes, est tout aussi symptomatiquement orienté que les régimes psychiatriques actuels.

Pas besoin d’un météorologue pour savoir de quel côté souffle le vent.

Citant des recherches d’Anne Case et d’Angus Deaton, Noam Chomsky observe que « la mortalité croissante chez les Blancs d’âge moyen… analysée comme une « mort de désespoir », [est] un phénomène inconnu dans les sociétés qui fonctionnent ». Chomsky contextualise les tendances auxquelles Paleos semble se référer, en déclarant :

« Pas de guerre, pas de catastrophe…. Juste l’impact de politiques sur une génération qui les a laissé, semble-t-il, en colère, sans espoir, frustrés, provoquant des comportements autodestructeurs. »

En insistant sur ce point, Case et Deaton soulignent que le problème n’est pas « l’accès », mais les caractéristiques systémiques de la société américaine : le « processus de désavantage cumulatif ».

Cet angle mort systémique s’accompagne généralement d’un autre angle mort historique : l’idée que tout aurait été parfait si seuls les psychédéliques étaient restés sous la domination exclusive des chercheurs ; si seulement les psychédéliques n’avaient jamais « échappé au laboratoire ». En effet, Paleos affirme :

« Il est difficile d’imaginer où en serait le domaine de la psychiatrie à l’heure actuelle, si la recherche psychédélique qui a commencé à fleurir dans les années 1950 n’avait pas été tronquée à la fin des années 1960 ; autrement dit, si Leary avait adopté une approche plus subtile que de se jeter dans la gueule du loup. Combien de vies ravagées par le suicide, la toxicomanie et la violence auraient pu être sauvées ? Combien de souffrances ont été soulagées ou évitées ? »

Si nous ignorons Leary et que nous nous concentrons sur l’affirmation implicite (et impossible à connaître) selon laquelle, en maintenant les psychédéliques dans le laboratoire « des vies ravagées par le suicide, la toxicomanie et la violence auraient pu être sauvées » et la souffrance aurait pu être « allégée ou évitée », nous ne pouvons trouver que des révisionnismes historiques.

Le LSD, et les psychédéliques en général, ont été pris en compte dans une grande partie de l’engagement politique, y compris le mouvement anti-guerre, le mouvement pour les droits civils, de l’écologie, de la promotion du désarmement nucléaire, mais aussi par les Students for a Democratic Society (SDS), et par les Diggers et le Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), pour ne citer que quelques uns.

Dans son article paru dans le MAPS Bulletin de 2009, Ralph Metzner reconnaît les nombreux effets bénéfiques de la contre-culture psychédélique dans de nombreux domaines. Metzner discute de la « vision thérapeutique de correction de trajectoire »… des enthéogènes d’origine végétale dans le contexte des mouvements sociaux naissants des années 1960, en commentant de manière poignante la signification de cette vision. Reconnaissant que la construction de nouveaux mondes exige de transcender les structures familières, quoique dépassées, avec lesquelles nous vivons, Metzner postule :

« Bien que ces mouvements sociaux aient été contre-culturels, voire parfois révolutionnaires, en ce sens qu’ils ont remis en question des attitudes et des pratiques injustes, restrictives ou démodées de l’ordre social dominant, il est important de reconnaître que l’intention première derrière ces mouvements n’était pas d’être contre quelque chose. »

Les suggestions de Paleos selon lesquelles la souffrance aurait été atténuée en empêchant les psychédéliques de sortir du milieu clinique et de se répandre dans le monde réel semblent peu probables. Je dirais que les souffrances mondiales causées par les systèmes incontrôlés du capitalisme, de l’impérialisme et du militarisme américains auraient été beaucoup plus grandes sans l’impact catalyseur des psychédéliques sur le psychisme des personnes impliquées dans les mouvements de résistance. Déplorer la perte d’un « monopole de la recherche » mythologisé, c’est fermer les yeux sur l’histoire réelle de la souffrance dans le monde réel.

Paleos avance ensuite des arguments peu imaginatifs, citant « l’accès » et « les économies d’échelle », pour justifier sa croyance dans les mérites de travailler avec COMPASS. Comme je l’ai déjà démontré, l’accès n’est pas la véritable raison, et ce n’est certainement pas tout le tableau, mais je vais prendre un moment pour parler de ses déclarations plus concrètes. Paleos prétend :

« Pour répondre à un besoin de santé publique de cette ampleur, il faut une infrastructure énorme, dont la mise en œuvre coûtera des centaines de millions de dollars… La réalité est qu’une entreprise à but lucratif est le seul type d’organisation capable de fonctionner à cette échelle. »

Il semble se faire l’écho des mêmes sentiments que Michael Pollan a exprimés lors de la récente conférence Horizons, au cours de laquelle Pollan a proclamé avec audace :

« Le capitalisme est un bon moyen d’élargir les choses. »

Bien sûr, le capitalisme est une GRANDE façon d’intensifier les choses… si vous ignorez ses « externalités » et ne vous souciez pas du « risque systémique » et des catastrophes que ces externalités créent, comme la crise financière mondiale de 2008 ou la transformation de la planète en une terre brûlée. Pour ceux d’entre nous qui en sont conscients, il est probablement évident qu’au lieu d’accepter les récits qui disent : « C’est comme ça que ça doit être, parce que c’est comme ça, parce que c’est comme ça depuis toujours », nous devons explorer des alternatives. Dans ce contexte, le fait que Paleos ne mentionne aucunement Usona, un organisme sans but lucratif qui s’efforce de rendre la psilocybine accessible aux chercheurs (et éventuellement aux thérapeutes) à prix coûtant (ou moins), est fondamentalement inexcusable.

« Pourquoi un magasin gratuit ? C’est gratuit parce que c’est à vous. »

Cependant, même si nous ignorons cette omission et acceptons la vague affirmation selon laquelle la psychothérapie psychédélique légale « coûtera des centaines de millions de dollars à mettre en œuvre », cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi, dans l’esprit de Paleos, cela nécessite une approche centralisée et verticale. En fait, les mesures que certaines cliniques prennent pour fournir une thérapie assistée par la kétamine pour le traitement du SSPT impliquent une approche beaucoup plus décentralisée et horizontale. Les coûts de formation et les exigences matérielles de la mise en place d’installations de traitement sont tout à fait réels, mais cela ne signifie pas qu’ils doivent venir de COMPASS ou de tout autre acteur potentiellement monopolistique et centralisateur.

Le cas des cliniques spécialisées dans les traitements à la kétamine montre comment les coûts peuvent être partagés par les praticiens. De plus, les grandes institutions psychédéliques pourraient peut-être offrir des subventions ou des prêts pour aider à couvrir ces coûts. Il existe probablement une pléthore de stratégies où, même si les dépenses nettes totales se chiffrent en « centaines de millions », ce chiffre serait réparti de manière raisonnable entre de nombreuses cliniques/thérapeutes. Est-il vraiment exagéré d’imaginer un monde où Usona (et d’autres organisations) pourrait rendre la psilocybine disponible à un coût minime pour un écosystème diversifié de cliniques psychédéliques ?

Que diriez-vous si je vous disais que COMPASS a des liens avec l’industrie, les entrepreneurs militaires, les banques multinationales et les grandes entreprises pharmaceutiques ? Ce n’est pas une question abstraite, c’est le « monde réel », et je détaillerai ces liens dans un prochain article. Comment pensez-vous que Peter Thiel, l’investisseur de COMPASS, est aussi le fondateur et président de Palantir, l’entreprise passée maîtresse dans l’art de l’espionnage ? Voulons-nous vraiment que les personnes qui dirigent la médicalisation des psychédéliques dans la société mondiale aient des liens avec une société qui a un contrat de 41 millions de dollars avec l’ICE ( Immigration and Customs Enforcement) ? Est-ce à cela que devrait ressembler le fait de vivre dans le « monde réel… et d’opérer dans les limites de la réalité », comme le dit Paleos ? Est-ce que ça vous excite ? Si oui, j’ai quelques questions à vous poser sur l’accès et l’inégalité systémique.

Si les investisseurs et associés de COMPASS sont responsables de certaines des technologies et politiques les plus violentes et les plus traumatisantes du monde, comment le fait de travailler avec eux peut-il fournir un traitement significatif « aux millions de personnes qui en ont besoin » ? Là encore, nous nous retrouvons sur le tapis roulant psychédélique en tant que prise en charge systémique des symptômes. C’est un jeu sans issue qui consiste à enrichir les responsables mêmes des traumatismes systémiques en les payant pour des traitements « curatifs », même s’ils causent les traumatismes qu’ils traitent. Le réseau COMPASS est bien positionné pour encaisser les entrées et les sorties de personnes, et des personnalités chargées de mener des recherches psychédéliques semblent désireuses de faciliter cet arrangement.

Bien que Paleos « concède que la décision prise par COMPASS de…refuser de signer la Déclaration sur la science ouverte est troublante », ce faisant, il démontre son manque de compréhension des réalités de la situation. Même si COMPASS avait voulu signer La Déclaration (un document affirmant que la recherche psychédélique devrait être menée pour le bien de l’humanité plutôt que pour l’enrichissement personnel), sa structure en tant qu’organisation à but lucratif l’aurait empêché de le faire. La structure organisationnelle de COMPASS signifie qu’elle est fondamentalement incapable de faire respecter les principes de la science ouverte, même si ses actions, comme la demande de brevet de méthodes et l’obtention d’un accord d’exclusivité pour la psilocybine synthétique, démontrent cette réalité. En termes simples, la structure de COMPASS est orientée vers la construction d’un monopole, et non vers la pratique d’une science ouverte ou le partage de données. Peter Thiel, a même affirmé à plusieurs reprises : « Vous ne devriez pas être en concurrence, vous devriez essayer d’avoir un monopole. »

Si les investisseurs et associés de COMPASS sont responsables de certaines des technologies et politiques les plus violentes et les plus traumatisantes du monde, comment le fait de travailler avec eux peut-il fournir un traitement significatif « aux millions de personnes qui en ont besoin » ? Là encore, nous nous retrouvons sur le tapis roulant psychédélique en tant que prise en charge systémique des symptômes. C’est un jeu sans issue qui consiste à enrichir les responsables mêmes des traumatismes systémiques en les payant pour des traitements « curatifs », même s’ils causent les traumatismes qu’ils traitent. Le réseau COMPASS est bien positionné pour encaisser les entrées et les sorties de personnes, et des personnalités chargées de mener des recherches psychédéliques semblent désireuses de faciliter cet arrangement.

Paleos conclut :

« À mon avis, la croissance d’une industrie à but lucratif autour de la prestation de la thérapie psychédélique assistée est… un marqueur de l’immense succès que le mouvement psychédélique a remporté en restaurant la légitimité de ces outils extraordinaires… et représente le solide fondement que doit avoir le mouvement pour espérer apporter les changements dont le monde a tant besoin. »

Bien que je ne sois pas en désaccord avec le fait qu’il existe des moyens par lesquels les psychédéliques peuvent aider à changer le monde, il y a des problèmes flagrants avec la conclusion de Paleos. Il ne s’agit pas de la capacité de votre médecin à faire des profits, ce qui lui permettrait de gagner plus d’argent que ce qu’il ne dépenserait dans l’exercice d’une pratique privée. Il s’agit de remettre les clés des substances psychotropes les plus puissantes connues de l’humanité à un groupe de capitalistes qui ont démontré à maintes reprises qu’ils feraient tout ce qu’il fallait pour réaliser des profits.

De plus, il n’y a aucune preuve que les psychédéliques, seuls ou en combinaison avec la psychothérapie, offrent « l’espoir de créer les changements dont ce monde a si désespérément besoin ». C’est la principale raison pour laquelle j’ai affirmé à maintes reprises le besoin urgent d’une critique systémique au sein des communautés psychédéliques.

Si nous ne comprenons pas pourquoi le monde qui nous entoure est dans l’état dans lequel il se trouve, comment pouvons-nous espérer le changer ? Avant la Convention démocratique de 1968, Abbie Hoffman a menacé de déverser du LSD dans l’approvisionnement en eau de la ville de Chicago. L’idée a été reléguée dans l’oubli de façon retentissante.

Faire avancer la médicalisation des psychédéliques par les entreprises à but lucratif tout en évitant une analyse sociopolitique cohérente me semble non seulement incroyablement irresponsable, mais aussi à peine plus qu’une stratégie qui pourrait tout aussi bien s’appeler Dose the Water 2.0.

 

David Nickles est modérateur pour la communauté du forum DMT-Nexus et rédacteur en chef du Nexian (le journal du DMT-Nexus). Il a participé à un certain nombre de projets de réduction et d’éducation aux risques concernant les psychédéliques, en travaillant au sein notamment de Kosmicare, The Open Hyperspace Traveler et TLConscious. Il a participé à des conférences sur les aspects scientifiques et sociaux des psychédéliques aux États-Unis et à l’étranger.

David travaille actuellement avec un groupe de chercheurs sur le Nexus’ Collaborative Research Project, qui vise à indexer méticuleusement et à étendre les connaissances morphologiques, taxonomiques et phytochimiques des plantes utilisées dans l’Ayahuasca et d’autres préparations enthéogènes.

 

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Article original : David Nickles /psymposia.com